Martha Cooper photographe et anthropologue du mouvement street art

2 mai, 2017

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Figure incontournable de la scène internationale graffiti, Martha Cooper est l’auteur du célèbre Subway Art. Co-écrit avec Henry Chalfant, cet ouvrage retrace l’avènement du street art dans les années 1970 et 1980.

En  photographe reporter, Martha Cooper est devenue un maillon indispensable à l’épanouissement et la reconnaissance du street art à l’échelle mondiale. Portrait d’une passionnée de l’être humain avant tout.

Martha cooper street art

Portrait Martha Cooper

Subway Art, 80's. ©Martha cooper

Subway Art, 80’s. ©Martha cooper

Subway Art, 80’s. ©Martha cooper


Ses débuts de photographe


Née à Baltimore en 1942, Martha Cooper se penche très tôt sur la photographie. Entourée d’un père et d’un oncle cameramen, elle accompagne dés son plus jeune âge son père dans son club de caméra à Baltimore. C’est à l’âge de trois ans que Martha capture ses premiers clichés.

martha cooper graffiti

The 70’s golden age of New York City graffiti. ©Martha cooper

Duro Min Wrek, 1982. ©Martha cooper


Elle se dirige ainsi inévitablement vers un cursus artistique et obtient un diplôme d’art à 19 ans au Grinnell College. Elle part ensuite en Thaïlande en tant que volontaire du Peace Corps pour y enseigner l’anglais.

C’est pendant son voyage à Bangkok et à Londres que la photographie devient pour Cooper un outil indispensable. Elle obtient par la suite un diplôme d’anthropologie à Oxford et démarrera une carrière d’anthropologue.

« Midge » with yellow school bus, 1982. ©Martha cooper

Boy running on top of train, 1982. ©Martha cooper


Sa première expérience avec la photographie artistique fut au Japon lorsqu’elle réalise des clichés de tatouages. Dans les années 60 elle décide de se reconvertir professionnellement pour en faire son nouveau métier.

Elle intègre ainsi le magazine National Géographique, puis dans les années 70 elle se dirige vers le New York Post et devient la première femme photographe du magazine. C’est à cette période qu’elle commence à s’intéresser au milieu du graffiti.

Banksy wall, Bronx, NY. ©Martha cooper

Man reading comics while being tattooed, 1970. ©Martha cooper


Faire comprendre à ses collègues du journal ses activités extra-professionnelles n’a pas été des plus simples. Durant les 70’s le graffiti était vu comme une activité vandale et haïssable. À ses détracteurs Martha leur répondait:

« Et qu’en est-il de la publicité ? À New York, chaque surface est couverte de publicité. Au moins les tags sont fait à la main. »

Trap Dez Daze, 1983. ©Martha cooper

Skeme, Lady Pink and Agent on train, 1982. ©Martha cooper


Martha Cooper défendit d’une main de fer cette culture underground face à la presse new yorkaise encore très réfractaire. Ce qui avait commencé par la fascination d’une société en pleine mutation, finira par devenir un devoir de mémoire d’une culture hip-hop émergente.

Little Crazy Legs with boom box, 1983. ©Martha cooper

LEE handball court, 1983. ©Martha cooper


En 1984, elle rencontre Henry Chalfant avec qui elle s’associe pour sortir ce qui sera la bible du street art : Subway Art.

Cet ouvrage culte retrace en photo les débuts de légendes telles que Seen, Dondi, Zephyr, Blade One, Cope et Futura, et immortalise toute une générations de jeunes artistes en devenir.

Dondi whole car Children of the Grave, 1980

Dondi whole car Children of the Grave, 1980. ©Martha Cooper

Dondi White. ©Martha Cooper

Futura 2000 with spraycan, 1983. ©Martha cooper


Subway art sera le premier livre d’une longue série. S’en suivra 10 ans plus tard R.I.P.: New York Spraycan Memorials (1994), puis Hip Hop Files: Photographs 1979-1984 en 2004 ou encore Street Play en 2005, New York State of Mind en 2007 et son dernier en date Going Postal en 2009.

Couverture du livre Subway Art, 1984

Daze & Skeme. ©Martha cooper

Daze & Skeme. ©Martha cooper

« My mother told me to stay home… », 1981. ©Martha cooper


Un travail de recherche sur l’homme et la créativité


Avant de devenir une figure emblématique de la street culture, les envies de Martha Cooper étaient d’avantage liées à des préoccupations anthropologiques.

Elle effectue tout au long de sa carrière de nombreux déplacements qui l’ont boulversé. Elle a notamment réalisé un reportage à Belize sur les personnes et vestiges archéologiques de la culture Maya.

Min, Duro, and Shy 147, New Lots Yards, the Bronx, 1981. ©Martha cooper

The 70s golden age of New York City graffiti. ©Martha cooper


C’est un voyage en Haiti qui déclencha son envie de photographier les enfants de New York:

« En Haïti j’étais impressionnée de voir des enfants fabriquer de petites voitures et des camions à partir de boîtes de conserve, les découper et les assembler. Et quand je suis arrivée à New York, je pensais : Est ce que les enfants font quelque chose comme ça dans la ville ? » [Source: Interview Huck]

Photo du livre Street Play, 1978. ©Martha cooper

Photo du livre Street Play, 1978. ©Martha cooper


Ainsi démarra son travail personnel le plus connu, celui sur la scène graffiti new yorkaise des années 1970 et 1980, qui donnera naissance à bons nombre de ses ouvrages. Elle travaillait alors au journal New York Post.

« C’était une documentation personnelle. J’étais là-bas avec mon appareil photo tous les jours, je passais par ce quartier en allant au journal.»

déclare t-elle dans une interview pour le magazine Huck.

Elle commence ainsi a photographier les enfants de son quartier, qui deviendront les héros de sont livre Street Play.

Girls Dancing Against Graffiti Background, photo du livre Street Play, 1978. ©Martha cooper

Cooper/Obey collaboration,photo du livre Street Play, 1978. ©Martha cooper


Sur la dernière photo du livre s’affiche l’un des personnages clés de son évolution vers le graffiti : Edwin. Ce petit garçon, qui jouait au gardien de pigeons sur les toits de New York, lui demande un jour « pourquoi ne photographiez-vous pas les graffitis ? ».

Après lui avoir expliqué sa vision du graffiti (le fonctionnement des signatures appelées «tags», l’essence artistique qu’il y avait dans cette pratique…), Edwin lui propose de rencontrer le grand ponte des graffeurs de l’époque: Dondi.

Dondi painting in yards, 1980. ©Martha cooper

Portrait d’Edwin, photo du livre Street Play, 1978. ©Martha cooper


C’est ainsi qu’elle eut la chance de suivre ce writer dans tous ses déplacements et de photographier ses graffitis. Dondi l’intègre peu à peu auprès des autres graffeurs puis dans le cercle plus large de la culture hip-hop. Elle devint très vite fascinée par la sous-culture que ces graffeurs ont créé à New York.

Duro, Doze, Mare139, Daze, Lady Pink and Crash, jump off Amphitheater painted by LEE for Wild Style movie, 1983. ©Martha cooper

Woody with homemade marker, 1982. ©Martha cooper


« J’aime rencontrer les artistes, les regarder travailler en temps réel et suivre leur processus de création. Le graffiti est devenu essentiel à ma vie sans que je m’en aperçoive. »

Propos recueillis par Elodie Cabrera pour Artistik Rezo

Dondi, 80’s. ©Martha cooper

Revolt Sharp painting Wild Style wall, 1983. ©Martha cooper


L’ambition première de ce projet n’était pas d’illustrer des actes vandales mais de dévoiler au grand jour la créativité prolifique d’une jeunesse délaissée.

« L’idée sous-jacente de mes observations était que les enfants étaient créatifs, ne faisaient rien de rien – surtout quand leurs parents ne regardaient pas. Toute la culture du hip-hop était de créer quelque chose à partir de rien. »

[Source: Interview Huck]

Photo du livre Subway Art, 1984. ©Martha cooper

Photo du livre Subway Art, 1984


Le succès de Martha Cooper lui échappe encore :

« Je voulais capter l’essence de cette culture qui allait disparaître, préserver une part d’histoire. Je n’aurai jamais envisagé que trente ans plus tard, le graffiti serait toujours là et vivant ! »

[Source: Interview Artistik Rezo]

Maya Hayuk closeup, Baltimore, Maryland, 2012. ©Martha cooper

Meeting of Favela in Rio de Janeiro Around 900 artists, 2016. ©Martha cooper


Se considérant comme une journaliste, Cooper cherche, tout au long de sa carrière, à capter l’essence de la créativité humaine.

« Je suis toujours à la recherche de la créativité, qu’elle s’exprime à travers le graffiti, un style vestimentaire ou une manière de se coiffer, peu importe.

Je m’attache aux gens qui dans leur vie de tous les jours sont des vecteurs d’art. Peut-être que c’est ça mon message… L’art se dissimule dans les détails du quotidien. »

[Source: Interview Artistik Rezo]


Photo du livre Subway Art, 1984

Bearded character with kids by unidentified artist, 1981. ©Martha cooper


Martha Cooper toujours sur la toile


Réputée pour son rôle majeur dans l’émergence de la culture Hip-hop, Martha Cooper n’a pour autant jamais cessé de photographier. Toujours aujourd’hui avec son appareil photo à bout de bras, elle continue de sillonner les murs et rues des villes au contact des acteurs du street art.

Sergio and Thor at Meeting of Favela in Rio with mural, 2016. ©Martha cooper

Meeting of Favela, fresh tattoo, 2016. ©Martha cooper


Avec plus de 160 000 followers sur Instagram, elle est devenue une photographe 2.0 !

« Je n’aime pas les réseaux sociaux. Je ne voulais ni de Facebook, ni de Twitter. Idem pour Instagram alors que tout le monde ne jurait que par ça. Il y a un an, j’ai décidé de troquer mon vieux téléphone à clapet pour un Iphone. En un clin d’oeil, Instagram est devenu une passion.

Instagram c’est comme dialoguer avec des images donc c’est parfait pour moi.»

[Source: Interview Artistik Rezo]

Profil Instagram de Martha Cooper


Son travail est régulièrement exposé dans les musées et galeries du monde entier et publié dans de prestigieux magazines. 

Nous sommes au plein coeur d’une de ses récentes actualités puisqu’elle expose jusqu’au 3 juin 2017 à la galerie Steven Kasher. Une sélection de 30 photographies inédites ainsi que de nouvelles éditions de photo en noir et blanc de ses livres New York State of Mind, Street Play et Tokyo Tattoo, attendent les amateurs à New York. L’exposition comprend également de récents portraits d’artistes de rue contemporains en plein travail.

Kasher Gallery, 2017 © Jaime Rojo

Kasher Gallery, 2017 © Jaime Rojo


Martha participe aussi à de nombreux autres projets, comme celui de Sowebo où elle photographie les habitants et événements de ce quartier de Baltimore, sa terre natale, où règnent marchands de drogue et pauvreté.

Projet Soweto/Sowebo. ©Martha cooper

Projet Soweto/Sowebo. ©Martha cooper

Projet Soweto/Sowebo. ©Martha cooper


Elle vit aujourd’hui à Manathan et est directrice de la photographie à City Lore, le New York Centre for Urban Folk Culture.

Les photographies de Martha Cooper ont donc encore de belles années devant elles avant de se tarir !


Photos de l’article © Martha Cooper

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– Doriane Coelho –

2 mai, 2017

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Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain

Une réponse

  1. Michael Lamy dit :

    Bonjour et merci pour votre article. Personellement j’utilise de mon côté un Sony Alpha 57.
    Je vous laisse découvrir également photographe Laurent Bertrais, qui réalise de magnifique clichés en mode Street Photography.

    Excellente journée à vous
    Cordialement,

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