Artiste autodidacte né en 1975, Arnaud Liard se forme très jeune à la photographie, à l’époque de ses premiers amours pour le graffiti. Dés ses débuts en galerie en 2004, il ne tarde pas à se distinguer comme l’un des talents les plus prometteurs de sa génération.
«Je n’avais aucune prédisposition familiale et aucune aptitude au dessin étant enfant, mais j’adorais comprendre comment les choses fonctionnaient. L’envie m’est venue de ce que j’ai pu interpréter des prémisses du hip-hop en France. J’étais minot et tout ça me donnait le sentiment d’un mouvement à part que j’avais profondément envie de découvrir» confit-il à notre rédaction.
Peintre en lettres de formation, cet artiste aux multiples facettes ne se cantonne pas à une unique discipline. Entre composition photographique, «hyperréalisme mal maitrisé» et abstraction géométrique, Arnaud Liard a de quoi nous donner le tournis !
Actif dans le graffiti depuis la fin des 80’s, il intègre début des années 90 le crew des LCA aux côtés de Lek et Hof, suite à sa rencontre avec Fléo et Procey (fondateurs du crew) à Montreuil.
«C’était une période géniale, pleine d’expérimentations et de découvertes. Hof avait des idées vraiment en avance, et de son côté Lek était déjà l’extraterrestre que l’ont connaît. C’était des années formatrices pour moi.»
Début des années 2000, il commence sont petit bout de chemin en compagnie de ONDE et HOBZ avec qui il monte le crew TRBDSGN. Ils produisent en trio, des oeuvres autour desquelles la recherche plastique et graphique prend une place prépondérante.
«Nous avons monté le TRBDSGN avec l’envie d’explorer et de fusionner dans nos peintures les influences de nos différents parcours, du design de mobilier en passant par le graphisme et l’illustration.»
Son graffiti est ainsi ancré d’évolutions perpétuelles, de l’observation de la lettre jusqu’à sa déstructuration géométrique.
«À un certain moment je ne m’y retrouvais plus dans les lettres. Non pas par snobisme, j’adore toujours autant, mais je me suis questionné sur mon évolution dans ce domaine. J’ai eu l’impression que la meilleure manière de faire éclater les structures était de me détacher des lettres.»
L’abstraction au service d’une introspection narrative
Il poursuit cette réflexion en atelier à partir de 2008. «Ma première oeuvre était abstraite mais en prise directe avec les architectures des usines et lieux dans lesquels j’allais graffer. C’était une manière pour moi de trouver des parallèles avec le graffiti et d’inscrire sur toile un moment, sans avoir à travestir le graffiti.»
Le centre névralgique du travail d’Arnaud est son incessant vallonnement autour de la texture et du volume. La rue lui aura donné cet éternel goût de la surface malmenée. Ce support si cher à ses yeux, il le retranscrit dans son travail en atelier en enduisant systématiquement ses toiles de ciment grisâtre. Toute la poésie de son art pourrait se résumer à cette emprunte urbaine, qu’il interprète de manière tout à fait insolite et lyrique, en oscillant selon les périodes, entre réalisme et abstraction.
«L’envie d’un retour à l’abstrait est arrivée entre 2012 et 2013 avec une première peinture avec LEK et DEM189, et ensuite lors d’une collaboration avec Augustine Kofie, qui m’a complètement chamboulé. Jamais je n’avais ressenti cette sensation de lâché prise, c’était jouissif.»
«À la même époque, LEK et Sowat, qui passaient à mon atelier très souvent le soir en revenant du Mausolée, m’ont proposé un projet d’exposition à six mains chez David Bloch, au moment de la biennale de Marrakech 2014. LEK, SOWAT et David Bloch connaissaient mon travail avec les TRBDSGN et mon premier travail abstrait ; ils m’ont demandé d’agir dans cette direction. Cette expérience a été une vraie révélation pour moi.»
Son art graphique se rapproche alors de plus en plus de l’abstraction géométrique. Mouvement, dynamisme et vitesse font virevolter ses lignes et ses superpositions de matière. Des pointes de couleurs font vibrer une palette principalement nuancées de gris, échos à la couleur du béton que l’on foule.
Que cherche t-il à nous raconter à travers cette géométrie étourdissante ?
«Dans l’abstrait je pense qu’avant tout j’essaie d’écrire ma propre histoire avec mes propres mots où l’émotion de l’improvisation est maître. J’essaie plusieurs approches, mais au final, comme pour la peinture figurative, je pense que je cherche à me découvrir, à me dépasser et à trouver ma place dans cette époque.»
Fragments de réalités urbaines
Il s’accorde aussi le droit d’extrapoler son travail de rue sur toiles, et laisse dériver une autre partie de son art vers un univers figuratif. La rue est une fois encore présente, mais ici source d’inspiration scénique.
On retrouve bien cette urgence de la ligne dans ses compositions figuratives. Elles offrent, quant à elles, un point de vu bien particulier de nos rues.
«Dans les scènes de rue, j’essaie de parler de l’humain, ou plutôt de “nous” dans notre habitat. La ville est un théâtre permanent, j’adore en être le spectateur et tenter d’en fixer l’essence de notre temps. Je peux piocher des histoires et des formes, trouver comment la nature reprend ses droits dans cette environnement et comment la ville censée être ordonnée se retrouve complètement chaotique dans certaines situations.»
Ses scènes urbaines sont visualisées de divers points de vue, à la manière d’un photographe reporter qui subtilise des instants de vie aux usagers. Les touches de couleurs donnent alors tout son sens à cette vie urbaine, en sublimant le mouvement et les marques du temps.
«J’ai voulu continuer d’oeuvrer autour des problématiques de déplacement dans la ville, d’espace et de temps. J’ai toujours pris beaucoup de photos avant même de commencer le graffiti. Des points de jonction entre la peinture et la photo sont arrivés tout naturellement. Je documentais bien mes journées dans les terrains vagues, pourquoi ne pas continuer et en faire la base de recherche de mon travail ?»
«À bien y réfléchir je pense que je traite le même sujet, à des échelles différentes bien sûr, mais au final la ville sous tous ses aspects est mon sujet principal. L’étape suivante, bien que légèrement esquissée dans certaines de mes pièces de ma dernière exposition figurative (Vertiges, ndlr) sera de trouver le point de jonction entre ces deux approches.»
L’art en galerie
L’artiste se livre volontier aux galeries. Depuis 2007, les galeries lui consacre quasiment chaque année une exposition personnelle, en particulier la galerie Gilbert Dufois.
Depuis 2004 il enchaine les expositions collectives, notamment avec les membre de ses crew.
«J’ai toujours aimé peindre à plusieurs. Je trouve que c’est une des grandes forces de ce mouvement, alors nous peignons toujours ensemble. Certes beaucoup moins, il faut être honnête et puis notre parcours individuel nous éloigne physiquement. Mais avec le crew FRENCHKISS, et toutes les personnes qui le composent, j’ai retrouvé cette même énergie. D’ailleurs tous mes groupes se retrouvent souvent dans les interventions FRENCHKISS.»
Sa dernière exposition en date, organisée par la galerie Gilbert Dufois, s’intitulait Vertiges. Tandis que dans l’exposition Ruines de Rome, Arnaud revisitait la dominance de la nature sur la ville, Vertiges laisse cette fois place au dialogue urbain dans toute sa splendeur. Il recompose ici une vie urbaine à partir de clichés photographiques. Telle une camera de surveillance, les oeuvres de cette exposition étaient comme des captures de rues, où l’homme se mêle à un théâtre urbain vertigineux.
À l’exception de l’oeuvre Rejoins-moi rares sont ses fresques réalistes. A la question serais-tu tenté d’en faire d’avantage, voilà ce qu’Arnaud nous a répondu :
«Oui énormément, surtout si cela se passe comme pour ma première grande fresque « figurative » en 2015, à l’occasion de Rouen impressionnée – triennale d’art en espace public.
Pour ce projet je me suis rendu en amont à Rouen et Olivier Lande, curateur de l’événement et qui par ailleurs est aussi urbaniste, m’a expliqué la topologie des différents quartiers de la ville. Comment les habitants y interagissent et comment trouver la meilleure manière de retranscrire tout ça en une oeuvre monumentale. J’aime l’idée d’oeuvres populaires qui touchent le plus grand nombre et retranscrivent une certaine réalité sociale. Quoi de mieux pour cela que la figuration !
Et pour l’année 2017…
«Cette année sera en grande partie axée sur un travail d’atelier et certainement des voyages. Puis une exposition avec mon ami Sebastien Preschoux en fin d’année chez Nicolas Xavier à Montpellier.»
In the Flesh : Portrait of Arnaud Liard, painter
– Doriane Coelho –
Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain
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