Eric Lacan : Beautiful Decay, son troisième solo show à la Galerie Openspace

14 septembre, 2017

Tags

Qui de l’homme ou de l’animal est le plus terrifiant ? Voilà la question que soulevait Eric Lacan en 2014 avec son exposition All Monsters Are Human à la Galerie Openspace. Avec sa nouvelle exposition, Beautiful Decay, Eric explore une autre facette de la condition humaine. Il réconcilie ici la fatalité d’une fin et l’espoir d’un re-nouveau. Beautés et vanités se livrent alors à une fascinante danse du déclin.

L’artiste dans son atelier, 2017 ©Eric Lacan

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


Eric Lacan est un corbeau de nuit, il se montre peu mais éblouit lorsqu’il sort de sa taverne. Après trois ans d’absence, il revient avec les thématiques qui lui sont chères et avec une technique du détail poussée à son paroxysme.

eric lacan

The Longer You’re Alive, The Shorter You Will Be Dead, Acrylique sur toile, 130 x 162 cm, 2017

eric lacan street art

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


La volupté du naturalisme


La finesse de ses représentations s’apparente à celle de la dentelle d’antan. Les carnations subtilement arrondies précisent les visages autant qu’elles étourdissent les esprits. Ossements et sanctuaire animal sont ponctués d’éléments floraux d’un naturalisme des plus prononcés.

C’est un travail tant anatomique que végétale que nous offre une fois encore  Eric Lacan. Jusqu’où ira t-il dans la précision ? Strip Art a tenté de percer ce mystère à travers quelques questions…

eric lacan art contemporain

L’Étrangère, Acrylique sur toile, 120 x 120 cm, 2017

L’Étrangère, Détail, Acrylique sur toile, 120 x 120 cm, 2017


STRIP ART : Une nouvelle exposition trois ans après la dernière, l’hibernation artistique fait-elle partie de ton processus de création ?

ERIC LACAN : Ça fait partie de mon processus de vie ! (Rire). C’est vraiment ma façon de vivre, je suis plutôt solitaire et la solitude au travail c’est primordial pour moi. On ne se distrait pas, on se concentre sur une tâche.

Spleen, Collage de papier découpé à la main sur porte ancienne, 220 x 68 cm, 2016

Beauté brutale, Assemblage de papier découpé à la main entre deux verres, 73,5 x 53,5 cm, 2017


« Pendant ces trois ans j’ai travaillé avec la rigueur d’un sportif de haut niveau. »

La dernière année, j’ai essayé d’être une sorte de patron abominable pour moi-même. Et j’ai redécouvert le plaisir de travailler en atelier. S’isoler était à la fois une contrainte et une excitation.

Eric Lacan dans son atelier, 2017  ©Eric Lacan

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


Hymne à la vie


STRIP ART : Beautiful Decay, pourquoi ce titre ?

ERIC LACAN : «Decay» c’est le pourrissement, c’est aussi la rage de dent, ou encore le déclin ; plein de choses comme ça qui pour moi évoquent la notion de cycle. Le déclin, au bout d’un moment, est un mouvement. On ne peut pas décliner de manière infini. Tout est un recommencement.

Ultraviolence, Acrylique sur toile, 120 x 120 cm, 2017

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


J’ai tendance à voir les choses de manière linéaire. Je n’ai pas de but dans la vie ou d’objectif fixe. Quand on a un objectif, une fois qu’il est atteint il n’y a plus rien après. Il n’y a plus d’aventure, il n’y a plus d’histoire. Donc je préfère voir les choses de manière cyclique et continue.

Damned Ladies,Collage de papier découpé à la main sur bois, 20 x 80 cm, 2017

Alfredine [Damned Ladies], Collage de papier découpé à la main sur bois, 20 x 80 cm, 2017


Beautiful Decay c’est aussi ce goût pour le temps qui passe et pour les beautés qui sont à deux moments extrêmes de leur vie : au sommet de leur beauté et à la porte de leur mort. C’est ça le déclin. C’est important d’y penser, sans que ce soit obsessionnel. C’est une manière de se dire que le temps passe très vite et qu’il faut en profiter. C’est presque philosophique.

« Mettre l’accent sur le déclin c’est jouir de tout ce qui n’est pas le déclin, pour résumer en deux mots. »

Beautiful Decay,Détail, Acrylique sur toile, 132 x 340 cm, 2017

The Longer You’re Alive, The Shorter You Will Be Dead, Acrylique sur toile, 130 x 162 cm, 2017


STRIP ART : La mort est très présente dans tes compositions, une fascination ?

ERIC LACAN : La mort est présente de manière formelle mais en réalité c’est la vie qui est présente. Je n’ai absolument pas de fascination pour la mort. Toutes mes peintures sont faites avec beaucoup de nervosité. Visuellement c’est très agité, contrasté, vifs. Ma peinture est ultra vivante. D’ailleurs quand je peins, je peins debout et avec beaucoup d’énergie. 

Beautiful Decay, Acrylique sur toile, 132 x 340 cm, 2017

Beautiful Decay, Détail, Acrylique sur toile, 132 x 340 cm, 2017


« Pour moi les crânes ne représentent pas la mort mais la présence la plus inoffensive de l’homme. »

C’est la trace la plus objective de l’homme. Je crée des images fortes donc j’utilise des codes fort, tel un publicitaire qui travaille son image pour qu’elle soit attractive.

Beautiful Decay, Détail, Acrylique sur toile, 132 x 340 cm, 2017

Tête à claques, Acrylique sur crâne anatomique humain en résine, 2017


Il n’y a pas de fascination envers la mort mais une interrogation envers le temps qui passe et envers les choses essentielles et les choses superficielles. D’ailleurs dans mes compositions il y a souvent des choses matériellement dures et pérennes, comme les os, qui mettent du temps à se désagréger, au contact de choses qui se fanent très vite, comme les fleurs.

« Il y a beaucoup de contradictions, d’ambivalence : le propre de l’homme. »

La Voisine des oiseaux, Acrylique sur toile, 162 x 130 cm, 2016

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


Symboles et subconscient


STRIP ART : Quel lien fais-tu entre tes représentations féminines, ton sanctuaire d’animaux, les vanités et les végétaux ; ces éléments que l’on retrouve dans la plupart de tes compositions ?

ERIC LACAN : Quand je travaille je ne théorise pas sur mon travail. Je ne suis pas à la recherche d’un lien, je sors ce qui me passe par la tête.

« Le seul lien c’est moi, c’est mon ça, comme on dit en psycho. »


L’atelier, 2016  ©Eric Lacan

L’atelier, 2017   ©Eric Lacan


Je ferais juste une petite parenthèse sur les animaux parce que j’ai encore du mal à me faire comprendre là-dessus. Mon goût pour les animaux impopulaires est provoqué par l’envie de donner une valeur esthétique et spectaculaire à des animaux qui suscitent la peur.

L’idée est de ne pas s’arrêter à la mauvaise image de l’animal. Les titres sont aussi là pour casser le côté premier degré des représentations.

Keep-Smiling, acrylique sur toile, 180 x 142 cm (Gauche) / Beauté empoisonnée, Assemblage de papier découpé à la main (Droite) 2017

La Bête Humaine, Détail, Acrylique sur toile, 130 x 97 cm, 2017


C’est une ode à l’esprit critique_qui est d’ailleurs valable pour l’actualité_ afin de ne pas s’arrêter à l’apparence.

« Je trouve rigolo d’ultra-esthétiser l’animal, de créer une sorte de culte visuel pour en dessiner d’autres contours. »

Croquer la vie à pleines dents, Acrylique sur toile, 180 x 142 cm, 2017

Croquer la vie à pleines dents, Détail, Acrylique sur toile, 180 x 142 cm, 2017


STRIP ART : Au cours de tes expositions, tes séries de portraits semblent évoluer vers des périodes de plus en plus passées. Le temps est-il un fil conducteur ?

ERIC LACAN : Non ce n’est pas une volonté. Je suis fasciné par les formes que peuvent prendre tous types de portraits du XIXème et XXème siècle. Seules la thématique et la technique ont changé entre mes expositions. Mais depuis le début j’ai toujours les yeux rivés vers le passé.

« Le présent ne m’intéresse pas et le futur encore moins, parce que je n’y serai pas. »

L’Étrangère, Détail, Acrylique sur toile, 120 x 120 cm, 2017

Beautiful Decay, Détail, Acrylique sur toile, 132 x 340 cm, 2017


L’art du défi


STRIP ART : Jusqu’où vas-tu aller dans ta technique du détail ? Y vois-tu une fin ?

ERIC LACAN : La technique n’est pas super importante en fait, ce n’est que la forme. Si ça se trouve quand je maîtriserais la technique j’en aurais marre et je serais peut-être plus libre de faire des choses moins détaillées.

Open Minded, Détail, Acrylique sur panneau de bois, 70 x 50 cm, 2017

The Longer You’re Alive, The Shorter You Will Be Dead, Acrylique sur toile, 130 x 162 cm, 2017


« Mon but n’est pas d’aller dans le détail mais dans l’expressivité, dans la force visuelle. »

Je n’ai pas d’objectif, encore moins technique.

Open Minded, Acrylique sur panneau de bois, 70 x 50 cm, 2017

Tête à claques, Acrylique sur crâne anatomique humain en résine, 2017


STRIP ART : Penses-tu déjà à ta prochaine exposition et à d’autres exercices sur lesquels tu voudrais te pencher ?

ERIC LACAN : Pas du tout ! Tu veux qu’on se fâche ? (Rire). Si, j’ai des envies, mais je ne veux pas y penser de manière trop précipité. Par exemple pour les papiers découpés j’ai envie de les présenter, non plus entre deux plaques de verre, mais peut-être sous la forme d’un volume. A travailler…

Beauté païenne, Assemblage de papier découpé à la main, 2017

Installation, Beautiful Decay, Galerie Openspace, 2017


L’alter égo


STRIP ART : Et comment va Monsieur Qui (pseudonyme de l’artiste dans son travail de rue. Ndlr) ?

ERIC LACAN : Euh c’est une grande question !

« On est trois en fait : il y’a Eric Lacan, le peintre en galerie, Monsieur Qui et moi-même. »

C’est une façon de mettre une distance entre soi et le travail.

Paris, 2016  ©Eric Lacan

Mont-Blanc  ©Eric Lacan

Sète, 2016  ©Eric Lacan


« Depuis un an Monsieur Qui s’est recroquevillé tout au fond de mon corps. »

Il tape du pied en fait, il a envie de sortir faire des collages, s’exciter dans la rue et voir des gens. C’est  ça mon envie immédiate. Donc il va bien. »


Paris 12ème arrondissement, 2016  ©Eric Lacan

Paris, 2016  ©Eric Lacan


Soyez vigilant on risque de retrouver Monsieur Qui dans les rues de Paris très prochainement ! En attendant, courrez vous délecter devant la quarantaine de toiles d’Eric Lacan (le peintre en galerie), présentes à la Galerie Openspace jusqu’au 7 octobre.


Crédits photographiques : Doriane Coelho // Strip Art

Eric Lacan par illartLife :


Beautiful Decay / Solo Show d’Eric Lacan

Jusqu’au 7 octobre

@Galerie Openspace

116 Boulevard Richard Lenoir, 75011 Paris


Banniere facebook

– Doriane Coelho –

14 septembre, 2017

Tags

Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain

Ajouter un commentaire

Strip Art – le Blog