L’ Aérosol, nouveau lieu de la culture underground à Paris ne cesse de faire le buzz. Après son succès pour Nuit blanche 2017 (le lieu s’est vu refuser le double de sa capacité !), nous avons souhaité rencontrer David, l’un de ses fondateurs.
L’Aérosol c’est trois têtes et deux structures : David pour Maquis Art ( le célèbre fanzine en ligne sur le graffiti), et Kevin et Aurore pour Polybrid (agence de production artistique et évènementielle). Ensemble ils ont oeuvré à l’ouverture de ce lieu hybride entre le graffiti (park de graff, boutique de bombe, musée de street art) et une scène musicale électro/hip-hop tant convoitée.
Rencontre.
Maquis art
STRIP ART : Dans quelle optique as-tu fondé Maquis Art ?
DAVID : Quand je faisais du graffiti, je prenais avec mon binôme de l’époque, beaucoup, beaucoup de photos. À chaque fois qu’on graffait on prenait aussi en photo ce qu’il y avait autour et on stockait. À un moment on s’est dit qu’on allait sortir un magazine, mais ça coûtait 20 000 Fr. à l’époque, on était en 1997.
« Internet commençait juste à émerger et on s’est dit que c’était peut-être ça qu’il fallait faire. C’était gratuit. »
J’ai créé la première esquisse de maquis art comme ça.
Le site a rapidement pris du poids, on avait entre 20 000 et 25 000 visiteurs par jour. Il fallait payer au débit. Du coup au bout d’un moment comme j’en avais marre de mettre une partie de ma paye dans le site, j’ai créé ma société pour vendre des bombes aérosols.
« Tout est parti de Maquis Art en fait. Tout est parti de l’idée de créer quelque chose sans moyen. »
Aujourd’hui on partage toujours 200 photos toutes les semaines. Ça tourne tranquillement depuis maintenant 20 ans.
Naissance d’un lieu à la confluence entre le graffiti et de la musique
STRIP ART : Comment est né l’aventure de l’Aérosol ?
DAVID : Le but principal était de se faire plaisir. J’ai accès aux plus belles collections au monde. Je travaille beaucoup avec les collectionneurs et j’aime partager le graffiti. Ici on fait ce qu’on sait faire en fait.
« On a voulu faire voir un vie ma vie dans un lieu qui permettait de le faire. »
Polybrid s’occupe de la partie soirée et musique, ce qu’ils savent faire aussi.
« Il n’y a pas d’idée politique ou quoique ce soit. C’est un partage de ce que l’on sait faire. »
Par contre il y a une réalité économique. On emploie beaucoup de personnels, beaucoup de sécurité, donc on a un bar pour rentabiliser. Un musée à cinq euros l’entrée il n’y en a pas à Paris, pourtant ils sont tous subventionnés.
Nous on a aucune subvention, on tourne sur nos fonds propres, on est complètement indépendant et libre.
On devait le faire dans un entrepôt privé à la base puis on a su qu’ici se libérait, du coup on a frappé à la porte de la SNCF pour savoir ce qu’il faisait de cet entrepôt. Un appel d’offre est passé et tout s’est fait très vite. Depuis la SNCF nous accueille dans son lieu. Télérama et Sortir à Paris avaient préparé un papier.
« Après c’était parti, c’était de la folie. »
Du graffiti accessible à tous
STRIP ART : Vous avez mis en place le mur Wall of Fame…
DAVID : Oui et ça n’arrête pas de bouger.
On a trois zones : on a une zone complète d’expression libre qui est devant, le mur, les containers et le sol, où tout le monde fait ce qu’il veut ; là où on a mit des barrières, tu peux venir peindre sans problème, mais il faut prendre le panneau entier. On ne voulait pas de moitié de panneaux ou de graff à moitié recouvert.
Et puis si tu veux faire des trucs un peu moins visible, ou moins technique , il y a toute la partie derrière qui est aussi accessible au graffeurs mais pas au public.
« Et toutes les semaines ça bouge. »
STRIP ART : Donc un artiste qui souhaite peindre sur les grands panneaux que doit-t-il faire ?
DAVID : Il vient nous voir ou il envoie un mail, après il vient avec son matos ou il l’achète sur place.
STRIP ART : Y a t-il un minimum de temps d’exposition ?
DAVID : Il n’y a pas de règle c’est suivant l’affluence et la demande.
« En fait on a rien inventé, on amène ce qu’on connaît du graffiti : le concept du terrain vague. »
Il y a des terrains vagues qui ne vont pas bouger pendant un mois, et on ne sait pas pourquoi, parfois tous les week-ends ou tous les jours de la semaine des trucs vont sauter.
Donc on a fait un musée avec des œuvres issues du marché de l’art, dont beaucoup d’oeuvres historiques des années 80, et à l’extérieur on a fait le terrain vague tel qu’on le connaît. On a délimité des zones pour que ce soit joli pour les visiteurs, avec des panneaux entiers et des zones d’expression libre.
Pourquoi ? Parce-que dans un terrain vague, on ne repasse pas quelqu’un en plein milieu. S’il y a un gros truc de fait on va le repasser en entier. Les graffeurs ont ces code là. Si on avait tout laissé en expression libre les gens n’aurait pas appliquer ces codes, parce que tout le monde ne les connait pas.
« On a imposé les règles du graffiti pour que tout le monde puisse cohabiter. »
Les codes de la rue
STRIP ART : Est-ce qu’on considère ces recouvrements comme des Toy ?
DAVID : Non. Un Toy c’est quelqu’un qui t’attaque volontairement. Là si c’est un gamin qui fait un truc c’est pas un Toy. Le Toy n’existe qu’entre graffeurs.
« À partir du moment où on connaît les règles c’est un Toy. »
Si c’est fait par des gamins, les graffeurs seront dégoûtés parce que leur fresque sera abîmée, mais ils ne vont pas casser la gueule à quelqu’un.
STRIP ART : N’est ce pas un peu antagoniste de faire se rejoindre le milieu du graffiti libre/vandale et celui du marché de l’art urbain avec l’ouverture d’un musée à côté du mur d’expression libre ?
DAVID : À l’intérieur on explique d’où viennent les graffitis. On explique les premiers tags, on explique ce que le New York Times disait en 1971 sur Taki, on explique comment sont créées les lettres, d’ou viennent les ombrages…
Il faut savoir qu’il y a des graffitis sur train pris en photos par Henry Chalfant en 1980 et des toiles qui date de la même époque !
De toute façon pour être un bon vandale il faut avoir beaucoup dessiné.
« Tu ne t’improvises pas bon vandale, et c’est impossible que tu ailles vite, si tu n’as pas dessiner longtemps. »
Et dans le musée c’est ce qu’on prouve. Ceux qui faisaient du vandale faisaient aussi des toiles à la même époque.
« Les règles et les techniques qu’on a appris dans le graffiti viennent toutes de New-York et de cette époque là. On n’a rien inventé. »
On prouve avec ce que l’on expose que tous les gens à travers le monde qui suivent ces codes, grâce essentiellement à Henry Chalfant et Martha Cooper qui ont documenté le graff des années 80 avec Style Wars et Subway Art, suivent le chemin de graffeurs qui étaient déjà sur toile.
La culture hip-hop représentée dans sa globalité
STRIP ART : Tout autre sujet : pourquoi un Roller club ?
DAVID : Parce que ça nous rappelle la Main Jaune (Boîte de nuit culte des années 80 dans le 17ème arrondissement, célèbre grâce à son dancing-piste de Roller, qui fait une apparition dans le film La Boum. Ndlr).
« Quand on était jeune beaucoup de choses se sont passées là-bas. »
Après tu parles de Roller mais c’est vrai qu’il y a aussi eu le skate, qui a toujours été un peu lié au graff. Ça ne veut pas dire que les gens viennent du skate, mais beaucoup ont fait du skate avant de s’intéresser au graffiti.
STRIP ART : Alors pourquoi ne pas avoir installé un vrai skate park ?
DAVID : Par manque de place. Et trop de rampes de skate ça insinuait aussi des obus qui volent. Quand les skateurs se vautrent ça part dans tous les sens. Ça peut être dangereux pour les graffeurs.
« À un moment c’est soit on fait un skate park soit on fait un park de graff. »
STRIP ART : Votre scène musicale est plutôt électro ? Hip-hop ? Variées ?
DAVID : Il y a un peu de tout. Pas mal de old School avec les Dee Nasty, Madj l’ancien DJ d’Assassin… Il y a aussi une scène électro plus récente. On reste généralement électro ou Hip-hop, on ne part pas trop ailleurs, mais ça se mélange quand même beaucoup.
Une suite à l’Aérosol ?
STRIP ART : D’autres lieux en vu après la fermeture de ce spot dans le 18ème ?
DAVID : Notre but n’était pas d’ouvrir un lieu à tout prix. Le lieu s’est ouvert parce qu’on en avait l’opportunité.
« On n’est pas des «faiseurs de lieu», ce n’est pas notre but. »
Notre but c’était de partager la culture qu’on connait. Si le lieu s’arrête, c’est comme ça, peut-être qu’il y aura quelque chose mais on en sait rien.
« Quand l’Aérosol va fermer on continuera chacun de notre côté nos activités. »
Crédits photographiques : ©Doriane Coelho // Strip Art
Have Fun : L’Aerosol
– Doriane Coelho –
Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain
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