Chris Daze Ellis est, ce que l’on peut appeler, une légende du graffiti. Né en 1962, il a grandit dans le Brooklyn new-yorkais des 70’s.

Daze portrait. Wynwood arts district, Miami 2012. © Martha Cooper
Sa première confrontation avec le graffiti était en 1975, lorsqu’à 13 ans, il découvre dans un garage de métro, l’une des voitures totalement recouverte d’une immense peinture. «Voir ça, m’a vraiment inspiré. Quand j’ai vu ce train, je savais que ce n’était pas un acte hâtif. C’était planifié.» Bien qu’il ait suivi des études dans la prestigieuse école d’Art et Design de New York, son diplôme sera réellement validé dans la rue et les métros par les writers de l’époque.

Ligne 1, Broadway, New-York, 1982 ©C.D.E

Ligne 1, New-York, 1979 ©C.D.E
C’est d’ailleurs sur un pont de Brooklyn, qu’il rencontre celui qui sera son alter ego artistique pendant de nombreuses années : John Crash Matos. Leur signature, leur blaze, voient alors le jour. Ellis choisi «Daze» pour la beauté des lettres, et Matos gardera son surnom d’école, «Crash», en écho à son éternel malchance avec les ordinateurs.

Crash et Daze, Bronx © Stephen Yang
Les deux compères commencent à graffer ensemble lorsque Daze à 14 ans. Dans cette excitante illégalité, une centaine de voitures de métro ont été recouvertes de graffitis du duo. Ils sont aujourd’hui installés dans un atelier du Bronx.

Crash et Daze, L.I.S.A Project, Little Italy, USA, 2014 ©Aymann Ismail
Ellis et Matos étaient de francs représentants du subway art, genre quelques années plus tard illustré par le travail documentaire de Martha Cooper et Henry Chalfant dans un ouvrage éponyme (Subway Art, 1984, USA: New-York, p.128). «Les gens se sont sentis menacés par les tags qui recouvraient l’intérieur de leur métro.» expliquait Martha Cooper.
Pratique ni légal, ni socialement acceptable pour l’époque, le Subway Art n’en restait pas moins une source d’inspiration infini pour Daze et Crash comme pour de nombreux jeunes des 70’s. Le contraste lié à l’incompréhension de cette art, la photographe Martha Cooper a voulu le dénoncer tout au long de sa carrière. Subway art est de nos jours considéré comme la bible du graffiti.
«J’étais destinée à documenter cette culture souterraine et mal comprise.» M.C. dans Subway Art.

Duro, Doze, Mare-139, Shy-147, Daze, Lady Pink et Crash, The east river park amphitheatre, Manhattan, 1981 ©Martha Cooper
Comme beaucoup d’artistes, Chris Daze Ellis s’est tourné vers la peinture sur toile dans les années 80. Mais il fut partie des rares qui réussirent la transition entre la rue et l’atelier.
«Keith Haring a monté une exposition collective intitulé Beyond Words et nous a demandé (avec Crash) d’en faire partie.» Chris Daze Ellis

Fashion moda, Acrylique sur toile, Collection William et Johana Speerstra, 1982 @C.D.E
Il expose ainsi pour la première fois ses oeuvres au Mudd Club en avril 1981, aux côtés d’artistes comme Jean-Michel Basquiat, Keith Haring, Zephyr, ou encore Lee Quinones. Un an plus tard, il réalise son premier solo show à la Fashion Moda dans le Bronx.

Japanese Subway, Aérosol sur toile, Brooklyn Museum, 1983
Aujourd’hui le travail de Daze fait partie de nombreuses collections permanentes dans de prestigieux musées au tel que The Museum of Modern Art, The Brooklyn Museum, et The Museum of the City of New York aux Etats-Unis, mais aussi The Groninger Museum (pays-bas) et The Ludwig Museum (Allemagne) en Europe. Il est de plus présent dans les inattendues collections privées de Madonna et Eric Clapton. Daze continue de travailler à New-York, où il vit avec sa femme, photographe, et leurs deux garçons.

Simpson Street, Collection privée, 2000
Chris Daze Ellis : » La ville est ma muse »
«Vous peignez et vous entendez ces sons – les compresseurs vont et viennent. Un train passerait sur une voie rapide et balayerait les déchets alentour. Vous peignez dans cet environnement solitaire et ressentez une réelle cinématique.» Chris Daze Ellis

Daze, Rose, Revolt – New York 2007. ©dazeworld.com

Mural Bronx

Sao Paulo, 2013
Lorsqu’un graffeur tague un métro, l’oeil toujours à l’affut d’un potentiel mouvement de police, le style est la seule chose pour laquelle il peut consacrer du temps. Les writers mettent ainsi beaucoup de hargne à trouver le leur, et celui de Daze fait partie des plus identifiables. Issu du Wild Style, au même titre que Lee quinones, Tkid ou encore Futura 2000, Daze a su se distinguer et marquer d’une pierre blanche le graffiti des années 70. Ce vétéran writer aux graffitis délicats, angulaires et dynamiques devient, des décennies avant Banksy ou Shepard Fairey, un pionnier du genre. Sa patte, avec cette urgence de la ligne qu’il tire du tag, il la garde même dans son travail en atelier. Bien que la ville continue de l’inspirer, il n’aime pas être catalogué de street artiste. Il préfère se définir comme «un artiste qui aime peindre en public».

In Hunts Point ©Samantha Sabatino
Lors de la réalisation de la série The Get Down (sortie en aout 2016 sur Netflix), Daze et Crash ont été contacté par son créateur Baz Lurman, afin qu’ils enseignent aux comédiens l’art du graffiti pour les besoins du tournage. «Leur enseigner comment peindre à la bombe en un week-end ? Ça ne marche pas comme ça» réagit alors Ellis «Ça prend des années pour faire une ligne droite !» – Daze
Ils ont tout de même accepté la mission et en ont profité pour agrémenter les décors de la série de leur plus beaux graff, réalisé bien évidemment en tandem.

The Get Down ©Netflix
Leur empreinte ne s’arrêtera pas là, puisque dans le quatrième épisode de la série, leur personnage de graffeur font une très brève apparition aux cotés de Jaden Smith (dans le rôle de Marcus Dizzee Kipling). Quand on voit nos nom sur les trains, pendant un bref moment, on peut dire «j’étais ici» Kipling dans the Get Down

The Get Down ©Netflix
De novembre 2015 à mai 2016, le solo show de Daze « the City is my Muse » s’est implanté au Museum of the City of New York. Cette exposition nous plaçait au coeur du merveilleux New-York tiré tout droit de l’esprit de Daze. Regorgeant d’une expressive et mélancolique énergie musicale, ses oeuvres représentaient autant son travail de rue que celui en atelier.

Solo Show – Museum of New York City, 2016
«Cette exposition est le testament de mon histoire d’amour avec New-York, ma muse. C’est un sujet inépuisable et une inspiration depuis plusieurs années. Une muse est quelqu’un ou quelque chose qui capture votre attention et imagination, dans la mesure où elle présente une infinité de possibilités. New-York est comme ça pour moi.» Propos recueillis par the Crave

Eastern Parkway – huile, peinture en aérosol, acrylique et bois sur toile. Museum of New York city, 2016

Museum of the city of New-York ©Jaime Rojo, 2016
Cette évènement fut l’occasion pour l’artiste de participer à plusieurs discussion-conférence, une première avec Jane Dickson et de Lee Quinones en décembre 2015, puis une seconde en mars 2016 auprès de l’artiste Swoon, toutes deux autour du thème de l’influence des villes, et plus particulièrement de la ville de New-York, dans le processus de création des artistes.

Cyclone Drop, aérosol et huile sur toile, 2011
Un autre gros évènement de 2016 pour l’artiste fut la publication de son livre Daze World en mai 2016. « Ce n’est pas une autobiographie au sens propre du terme. Je n’ai pas rédigé un jour après jour minutieux de mon enfance détaillant mes années formatrices jusqu’au moment présent. J’ai préféré faire le choix d’amener le lecteur dans un voyage à travers les moments fondamentaux de ma vie. » C.D.E

©Jaime Rojo
Le livre se concentre en effet sur 30 ans d’une vie artistique bien remplie. De sa jeunesse à Brooklyn, à son passage à l’école d’Art et Design de Manhattan, jusqu’à son empreinte dans le subway art, cette ouvrage retrace l’évolution de l’artiste à travers l’histoire du graffiti des années 70 et 80.
Propos de l’artiste recueillis par le New-York Post.
Vidéo : Chris Ellis Daze – Sao Paulo, 2013
Retrouvez plus d’informations sur l’artiste :
– Doriane Coelho –
Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain