Shoof : interview avec le street artiste qui sature les murs de ses calligraphies arabes

19 mai, 2017

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Hosni Hertelli, aka Shoof, est un street artiste tunisien utilisant la calligraphie arabe à la manière d’un Jonone. Répétitions, saturation et stylisation des lettres font de ses calligraphies orientales quelque chose d’inédit sur la scène graffiti.

Rencontre.

shoof stree art

Portrait de Shoof


Interview de Strip Art avec Shoof


STRIP ART : Tu as grandit en Tunisie, quand et pourquoi es-tu venu en France ?

SHOOF : Je suis venu en France fin 2004 pour poursuivre mes études de droit. Je faisais un DEA droit d’anthropologie juridique et un DEA sociologie politique comparé. Je devais ensuite faire une thèse mais je ne suis pas allé au bout.

Shoof graffiti

Exposition Dripping Point, 2015


STRIP ART : Tu as fait des études de sciences politiques dans quel but ? Quelles étaient tes ambitions avant la peinture ?

SHOOF : J’étais parti pour faire de la recherche universitaire et être professeur en université. Mais j’ai vite déchanté. Mes études m’ont ouvert les yeux sur autres choses. J’étais devenu un juriste qui n’avait pas envie de l’être. Et puis la peinture est entrée dans ma vie… Quelque soit le milieu dans lequel je voulais avancer mon ambition a toujours été la même : vivre libre et heureux.

shoof calligraphie

Djerbahood, 2014


STRIP ART : Comment a démarré ta carrière de peintre calligraphe ?

SHOOF : J’ai commencé à travailler avec la Galerie Itinerrance en 2011. Je connaissais déjà Mehdi depuis quelque temps (Mehdi Ben Cheikh directeur de la galerie Itinerrance. Ndlr), il m’a encouragé à me perfectionner en peinture et un jour il a trouvé que l’une de mes toiles valait le coup. Il m’a ainsi donné la chance d’exposer chez lui avant même que la peinture ne devienne un réel objectif professionnel.

La Tour 13, Paris, 2013


Ecrire pour ne pas être lu


STRIP ART : Pourquoi avoir choisi la calligraphie comme mode d’expression ?

SHOOF : En fait je ne sais pas trop, surement parce que je ne sais pas dessiner donc j’ai pris les lettres arabes comme moyen de construction. Et surement aussi parce qu’à cette époque  je me posais des questions sur ma situation d’étranger.

Tout naturellement ma langue maternelle est devenu mon moyen d’expression. C’était thérapeutique, comme pour entrer à l’intérieur de moi même, écrire sans avoir besoin de penser.

« J’ai pris la lettre arabe comme prétexte dans ma quête d’identité. »

La Tour 13, Paris, 2013

Djerbahood, 2014


STRIP ART : Quelles ont été tes influences ? françaises ? tunisiennes ?

SHOOF : Pour les influences c’est très minime et très nouveau en fait.

Il y a Soulage, George Matthieu, Jonone et Jackson Pollock pour tout ce qui est art plastique. Mais mes influences premières se trouvent dans la musique avec Nina Simone ou encore Gils Scott-Heron.


STRIP ART : A l’image du graffiti, tes lettrages se dissimulent dans un ensemble esthétique, tu ne cherches donc pas à être lisible par tous ?

SHOOF : Je ne me pose pas vraiment la question de la lisibilité. Pour répondre sincèrement il m’arrive souvent de ne pas pouvoir me relire. «Shoof» signifie « regarde » en arabe. Donc je ne demande à personne de lire mes oeuvres mais de les regarder. Je n’écrit pas dans le but d’être lu mais plutôt de sortir la calligraphie de sa fonction initiale.

 


STRIP ART : Comment se déroule ton processus créatif ? Improvisation ou conceptualisation ?

SHOOF : C’est toujours une improvisation en fait quand je travail. Je pense quelque fois avant de travailler, souvent après mais jamais pendant. Pendant, je me laisse guider. Je n’ai jamais fait de croquis par exemple ou de blackbook.

Projet White Spirit, 2016


Graffiti et société


STRIP ART : Te considères-tu comme un artiste «sociale», avec un message à véhiculer ?

SHOOF : Non, je ne défend aucun droit. Le seul engagement que j’ai est esthétique. Je ne suis pas une association citoyenne et je ne défend le droit de personne, à part le mien, de peindre librement.

La Tour 13, Paris, 2013

Exposition Dripping Point, 2015


STRIP ART : Quelle force possède l’art selon toi face à l’inconscience collective ?

SHOOF : L’art est essentiel et fondamental mais il reste très relatif en fait. À mon avis la société considère l’art comme quelque chose de folklorique plus qu’autre chose. Les artistes sont de plus en plus considérés comme des «amuseurs» au niveau intellectuel.

Mais ce qui est cool c’est que la conscience collective est constituée de plusieurs consciences individuelles, donc si jamais un tableau, un mur, une fresque ou n’importe quoi, peut toucher la conscience d’un individu, ça le fera réfléchir. C’est ça le travail que l’on fait.

La Tour 13, Paris, 2013


STRIP ART : Comment te situes-tu en tant qu’immigré et en tant qu’artiste dans le climat politique actuel français ?

SHOOF : Je me sens très serein en fait, indépendamment du contexte politique. Que ce soit en France ou ailleurs, je crois que mon corps c’est mon pays et je me le trimbale là où mes pieds m’emmènent. Le reste est très accessoire et auxiliaire. Je me sens immigré nul part et à la fois je peux me sentir étranger partout.


STRIP ART : Quelle place a la danse dans tes récents projets ?

SHOOF : Il n’y a aucune incidence directe de la danse sur mon travail. Il faut savoir que White Spirit et le fait de travailler avec les « derviches tourneur » prenait tout son sens par leur approche de leur art.

Ils pratiquent un art premier et minimaliste qui les amène à une transe. C’est en ça que l’on s’est accordé. On se rejoint sur cette notion de minimalisme, c’est essentiel pour moi. La transe est un rite qui leur permet de se retrouver avec eux-mêmes. On a la même manière de vivre notre pratique, par nos approches primaires et rudimentaires. C’est ce qui a donné sens à ce spectacle.

La Tour 13, Paris, 2013


Mais sinon, non, il n’y a aucun rapport direct dans mon travail avec la danse. C’est surtout la musique, le rythme, la recherche du groove qui font le squelette de ma recherche plastique.

« La musique est mon métronome constant. »

Projet White Spirit, 2016

Projet White Spirit, 2016


STRIP ART : Que nous réserves-tu pour ces prochains mois ?

SHOOF : On a un White Spirit à Nantes le 14 octobre et puis on part avec eux en tournée en Australie au printemps 2018. En 2018 il y aura aussi peut-être une exposition avec Itinerrance.


Crédits photographiques : Aline Deschamps // Galerie Itinerrance

Dripping Point by Shoof :

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– Doriane Coelho –

19 mai, 2017

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Catégorie(s) : Street Art / Art Urbain

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